10 ans déjà...

2015 - Attentats de Paris : le rap de collégiens solidaires

Les collégiens de Conti et les professeurs qui sont à l'origine de la belle aventure commune autour du rap, « Pray for Paris », écrit par Akram Houbad et Mouthmirou Richard, ici derrière le micro (le troisième auteur, Ludrick Bargot a depuis quitté l'établissement).

Ils viennent de différentes classes, de différents horizons culturels. Ensemble, ces élèves de Conti ont créé un rap, retenu au concours « École en choeur ». Une réaction aux attentats de Paris.

L'histoire

« Ces terroristes partis mais un jour revenir / La haine en eux me donne envie de courir / 130 morts, la prochaine j'm'attends au pire... »

Des mots qui courent sur un portable. En une heure, suite aux attentats de Paris, Akram Houbad, Ludrick Bargot et Mouthmirou Richard, dit Liam, écrivent un texte. Un rap enlevé, soigné. Ensemble, ils signent sous le nom de BBFC. Pour Bad boys fusion crew.

Ces trois élèves du collège Conti sont en 4e Segpa. Une section dont les collégiens ont de lourdes difficultés dans l'apprentissage. Ce qui ne signifie rien quand il s'agit de laisser parler le coeur. « Le 13 novembre, on s'est sentis visés », explique Akram, qui vient du « quartier chaud de Kervé ». Il leur suffit d'une mélodie prise sur Youtube, celle de Rap triste de Nalko music. Cette émotion spontanée, ils la chantent devant leurs camarades.

« Pray for Paris »

Corine Assous, leur prof, est bluffée. « Depuis la 5e, je travaille avec la classe sur la poésie, le slam, sur des thèmes auxquels ils sont sensibles. » Elle n'est pas surprise : « Akram, Mouthmirou et Ludrick sont très prolixes. » Eux produisent du poème en musique. Ils savent faire. Le racisme, la tristesse, Mandela, tout peut devenir rap...

Corine Assous les enregistre sur tablette. Et entre deux portes, elle en parle à sa collègue, Nathalie Praz. La professeure d'éducation musicale et de chant choral prête une oreille attentive.

Mais c'est la rencontre avec les trois élèves qui va la convaincre. Mieux, l'inspirer. « Je me souviens très bien du jour. C'était le 27 novembre, quinze jours après les attentats. Et ils rappent Pray for Paris. La qualité du chant et de l'interprétation, c'était bouleversant. » Elle qui veut travailler sur la corporythmie dessine un projet qui rapproche le rap et la chorale remuante de Miss Conti, qui compte une quarantaine de chanteurs.

« Ce n'est pas factice »

Elle propose aux élèves de la Cham (classe à horaire aménagé musique), qu'elle coordonne, de se greffer au projet. La réponse est une évidence à leurs yeux. « Les événements nous ont touchés. Les attentats ont eu lieu au Bataclan, et nous, nous faisons de la musique. C'était normal de jouer pour ce morceau-là », estime Siloë Renoux, jeune trompettiste. Mila Lacroix et Anouchka Praz, violoncelliste et violoniste, acquiescent.

Une basse, un piano, une boîte à rythme, un choeur à trois voix. Du boulot et de l'investissement personnel... Le jour des portes ouvertes, c'est la première restitution publique. Tous ensemble. Jim Bouyer, élève en 3e, tromboniste et amoureux de vidéo, adhère au projet. Il met en scène. Filme Akram et Liam au collège, dans la rue, a l'idée de « noir et blanc sur les couplets et de couleur sur les refrains. » Un clip en naît.

« École en choeur »

Le collège Conti participe au concours « École en choeur ». Ce n'était pas une fin en soi. Mais qui ne tente rien n'a rien. La preuve : Pray for Paris est le projet retenu pour représenter l'académie de Rennes au niveau national. Un jury déterminera le choix des prestations qui seront présentées au président de la République. Rien que ça. « Cela fonctionne parce que ce n'est pas factice. » Nathalie Praz conclut de la plus belle manière. « Si je suis rentrée à l'Éducation nationale, c'est pour porter un travail qui révèle les talents. » Et unit tous les collégiens. Sans distinction.

Article OUEST-FRANCE publié le 27/05/2016. Auteur : Loïc TISSOT